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habiter rue Guénégaud comme un détenu au sortir de la prison qui veut faire peau neuve et dépister ses instincts. Mais Dubourg craignait le préjugé de son ami contre lui et, au lieu de l’attaquer de front, il se perdait dans des précautions pour ne pas l’effaroucher.

— Tu coucheras ici, insinua-t-il.

La pièce était accueillante. Par-dessus les toits de la Monnaie, elle recevait beaucoup de lumière. Assez étroite et très haute, elle était toute peinte dans un blanc cru. Le tapis était crème. Là-dessus tranchaient les reliures de livres, quelques étoffes sauvages, des fleurs. Mais tout cela était imprégné de l’énigme doucereuse de la vie de Dubourg.

— Tu as peur de sortir de là-bas ? continua Dubourg, qui voyait la moue d’Alain.

— Oui.

La femme de Dubourg entra et interrompit ces timides approches. C’était une personne grande, mince, avec des inflexions languides, très nue sous sa robe. De beaux cheveux, de beaux yeux, de vilaines dents. Elle était accompagnée de ses deux filles — la seconde pareille à la première — et d’un chat. Cette petite troupe ne faisait aucun bruit. Dubourg avait épousé, disait-il, cette Fanny pour son extraordinaire aptitude au silence et à l’horizontalité. « Quand nous sommes seuls, on n’entend pas un son dans la maison. Elle est couchée dans sa chambre sur son divan, moi sur le mien. Il n’y