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C’est ce thème qu’a magistralement développé M. Léon Bourgeois dans une remarquable conférence faite, il y a quelques mois à l’École des Hautes Études sociales.

« La nature, dit-il, a ses fins à elle, des fins qui ne sont pas les nôtres. L’objet propre de l’homme, c’est la justice, et la justice n’a jamais été l’objet de la nature ; celle-ci n’est pas injuste, elle est ajuste. Il n’y a donc rien de commun entre le but de la nature et celui de la société… La solidarité est une loi, comme celle de la gravitation. Soit. Et j’ajoute : la gravitation produit des ruines, des cataclysmes. Mais la mécanique intervient et la science se sert de cette même loi de la gravitation pour établir ou rétablir un équilibre stable. De même on peut s’emparer de ces lois de la solidarité naturelle, dont les conséquences peuvent être injustes, pour réaliser la justice même… Mais en quoi cela est-il nouveau ? L’homme n’a-t-il pas toujours essayé de réaliser cet équilibre de justice ? N’est-ce pas l’éternelle histoire des progrès successifs de l’humanité ? Eh bien ! non. Il y a quelque chose de changé… La notion de la responsabilité mutuelle de tous les hommes dans tous les faits sociaux n’avait pas été aperçue jusqu’à ce que fut introduite l’idée nouvelle de solidarité biologique. Elle établit entre l’individu et le groupe une complexité nouvelle de rapports, et l’ancienne et trop simple notion du droit et du devoir se trouve du coup profondément transformée. Tant qu’on a cru à l’archipel des Robinsons, il paraissait suffisant qu’un Robinson n’empiétât pas sur l’île du voisin… Mais s’il y a eu échange de services à