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toutes les heures du passé, s’il y en a à toutes les heures du présent, si cet échange a été tel que les uns sont comblés et les autres privés de tout, que ceux-ci ont profité largement et que ceux-là n’ont rien reçu, ne vous apparaît-il pas qu’il est insuffisant de dire : pas d’empiètement ! Ne sentez-vous pas qu’il faut mettre à jour la récapitulation des services échangés, établir la balance des profits et des pertes ? Ne sentez-vous pas qu’il y a un compte social à établir ? Ce ne sont plus des Robinsons qui se trouvent en présence : ce sont des hommes, ce sont des associés… Ils sont liés entre eux par une association nécessaire, antérieure à leur naissance et dont il ne leur est pas loisible de se dégager, car s’ils en sortaient, il leur serait désormais impossible de vivre. Or, dans cette association, chacun profite du fonds accumulé par les ancêtres et grossi par l’effort de tous les contemporains. Si chacun n’apporte son tribut, l’équilibre est rompu et la justice violée. »

Ainsi, existence d’une association de fait impliquant des obligations réciproques, — existence d’un patrimoine commun, moral et matériel, — maintien de l’équilibre et compte à faire entre les associés : voilà les trois pierres angulaires de la théorie de la solidarité.

Cette conception, plus rigoureuse et plus analytique que l’idée vague d’influences réciproques des hommes les uns sur les autres, entraîne deux conséquences importantes.

Elle modifie d’abord la notion de la responsabilité. C’est à elle, en effet, que nous devons de voir entrer de plus en plus, dans l’appréciation de la moralité des