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selon l’expression d’Emerson, comme les notes diverses dont sera fait ce morceau de musique, ma vie. » De même que chaque génération prépare l’avenir économique des suivantes, après avoir reçu le legs, riche ou pauvre, des précédentes, de même, moralement, chaque génération reçoit de ses ancêtres, lègue à ses descendants une tâche plus ou moins facile et, pour accomplir cette tâche, des dispositions plus ou moins heureuses.

Ayons donc un jugement indulgent pour ceux qui portent le fardeau d’une hérédité trop chargée, qui vivent au milieu d’une sorte d’obscurité morale où la conscience s’endort. Travaillons, non pas seulement pour flatter dans notre sensibilité un secret penchant vers l’amour-propre, ou pour obéir à un précepte de charité, mais au nom de la grande loi de solidarité que nous voyons dominer le monde, à lutter contre ces ferments de désagrégation que sont pour les âmes et les corps certains vices et certaines maladies ; aidons les faibles et les pauvres pour que la voix de la misère ne devienne pas leur mauvaise conseillère ; ouvrons les intelligences, éclairons les raisons et fortifions les volontés. C’est là le devoir de la société, parce que c’est le devoir de chacun de nous. Sur cette partie de la thèse « solidariste », il ne peut guère s’élever de controverses.

Mais l’idée de solidarité modifie en second lieu celle de liberté ; l’aspect qu’elle prend ici est particulièrement délicat et riche en conséquences pour la politique générale.

Une société, dit-on, a existé avant nous et subsiste encore, dont tous les avantages sont inégalement