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pants de cette évolution littéraire dans les Veilles du poète qui a traduit si magnifiquement, par la puissance et l’élévation de sa pensée, l’anxieuse recherche de la Justice en ce monde, de l’astre idéal qui doit guider l’humanité en marche ?

Certes les solutions proposées ne font pas défaut. Les méthodes se sont modifiées, les écoles se sont multipliées, mais naturellement cette dispersion des esprits et l’âpreté de certaines controverses n’ont fait qu’augmenter l’incertitude et donner une activité fiévreuse à des études qui devraient se poursuivre avec sérénité, patience et bonne foi. Il en est de ces hésitations de l’esprit humain à prendre son vol vers une direction bien définie comme des cercles décrits dans les airs par les pigeons voyageurs que l’on vient de lâcher loin de leur colombier ; désorientés un moment, embarrassés en quelque sorte par leur liberté, ils ne forment d’abord qu’une troupe confuse ; peu à peu ils s’agrègent, interrogent en tournoyant l’horizon jusqu’à ce que, obéissant à une mystérieuse impulsion de la nature, ils s’élancent infailliblement vers le but invisible et cependant merveilleusement pressenti.

Cette agitation, qui après tout est encore une preuve de vitalité, vient d’une réaction contre l’école qui a longtemps et exclusivement régenté l’économie politique, l’école dite libérale, dont le principe premier est de laisser faire et de laisser passer. On n’admet plus avec une assurance aussi imperturbable qu’autrefois que la lutte pour la vie soit l’unique et brutale loi qui conduise les sociétés. Les savants, qu’une observation plus approfondie a rendus plus prudents, commencent à reconnaître qu’il est peut-être téméraire