Page:Drumont - La France Juive édition populaire, Palmé 1885.djvu/533

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qu’une légère erreur se reproduisait dans le compte de ses employés, dès qu’il leur manquait deux ou trois francs de timbres, il les accusait d’abus de confiance, et les effrayait avec les mandats de comparution en blanc que lui remettait son complice et son associé, le commissaire Joyeux. Les malheureux étaient amenés dans un local qu’on appelait la cage, dans lequel se tenait en permanence le secrétaire du commissaire, prêt à verbaliser au cas où l’employé aurait répondu par un mot grossier aux injures dont l’accablait Laplacette. Là, affolés par l’idée de la prison, terrifiés par cet appareil, ils signaient une déclaration par laquelle ils reconnaissaient avoir volé leur patron.

Les signataires étaient désormais à la discrétion de Laplacette. Six mois, un an ou deux après, quand les affaires allaient mal ou que la nécessité de frapper l’esprit du personnel se faisait sentir, on prenait au hasard un de ces infortunés, comme on prenait un esclave pour les murènes, et on le livrait aux tribunaux, qui le condamnaient sur son propre aveu. On mettait le nom sur un tableau, que l’on appelait le tableau d’avancement, afin que cet exemple terrorisât les autres.

Quatre-vingts pauvres diables furent ainsi exécutés ! quatre-vingts existences d’hommes furent souillées, flétries, brisées à jamais ! Et les autres ! ceux qui avaient sans cesse cette épée de Damoclès sur la tête, vous figurez-vous ce qu’ils devaient souffrir ?

Joyeux ne fut pas poursuivi, il ne fut pas même révoqué ; il fut admis par Camescasse à faire valoir ses droits à une honorable retraite…

Tous ces gens-là, encore une fois, se ménagent entre eux : car ils se connaissent, les uns sur les autres, des histoires à s’envoyer tous aux galères.