Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/249

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accorda des lettres patentes. On croirait peut-être qu’ils se sont empressés de les faire enregistrer, rien de cela, vingt-quatre années se passèrent, non pas inutilement pour eux, mais à choisir le lieu le plus propre à leurs vues. Bordeaux est choisi. On croirait peut-être encore qu’ils ont présenté au Parlement de cette ville leurs lettres patentes à enregistrer, leur marche n’est pas si droite, moins connus à Paris qu’à Bordeaux, ils s’adressent à la première de ces deux cours et y font enregistrer leurs lettres patentes en 1574.

Quoi qu’il en soit, les Portugais protestaient avec énergie toutes les fois qu’on les traitait de Juifs. Inquiétés un moment, en 1614, ils firent remontrer au roi « qu’ils habitaient de longue main en la ville de Bordeaux et que la jalousie des biens qu’ils avaient les faisaient regarder comme Juifs, ce qu’ils n’étaient pas, ains très bons chrétiens et catholiques.

Ils se conformaient scrupuleusement à toutes les pratiques extérieures de la religion catholique, leurs naissances, leurs mariages, leurs décès étaient inscrits sur les registres de l’Église, leurs contrats étaient précédés des mots : au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit[1].

Après avoir vécu près de cent cinquante ans ainsi, les Juifs étaient restés aussi fidèles à leurs croyances que le jour de leur arrivée. Dès que l’occasion fut favorable, en 1686, suivant Benjamin Francia, ils retournèrent ouvertement au Judaïsme, ils cessèrent de faire présenter leurs enfants au baptême et de faire bénir leur mariage par des prêtres catholiques.

Des Juifs même dont les familles, depuis deux cents ans,

  1. Sur cette question, on consultera toujours avec fruit l’ouvrage de M. Théophile Malvezin, l’Histoire des Juifs à Bordeaux, qui est plein de recherches et de faits peu connus.