Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/274

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Isaac. Bientôt il quitta la Hollande pour s’établir en France et il y obtint, je ne sais comment, des lettres de naturalité pour lui et pour ses enfants. Calmer ne s’arrêta pas en si beau chemin et ce fut en réalité le premier baron juif qu’il y eut en France.

Le 27 avril 1774, un homme de paille, Pierre Briet, seigneur de Bernapré, acheta des créanciers du duc de Chaulnes, moyennant 1,500,000 livres, la baronnie de Picquigny et vidamé d’Amiens. Bientôt après on déclara que l’acquisition était faite au nom de Liefmann Calmer, grand bourgeois de la ville de La Haye, naturalisé Français et devenu ainsi baron de Picquigny et vidame d’Amiens.

À partir de ce moment, Calmer passa sa vie en procès. Loin de chercher à se montrer conciliant et humble, il avait la prétention d’exercer dans toute leur rigueur ses droits féodaux, il poussa l’impudence jusqu’à vouloir conférer lui-même les prébendes de la collégiale de Saint-Martin de Picquigny. On n’était pas habitué alors à voir les Juifs, comme le fit Crémieux, désigner des évêques, et l’évêque d’Amiens s’éleva avec une rare énergie contre cette incroyable prétention[1].


Malgré tout le tapage fait par Peixotto et par Calmer, la situation des Juifs à Paris était encore bien précaire. Un détail le dit plus que tout le reste, ils ne savaient même pas où se faire enterrer. Ils ensevelissaient leurs morts à la Villette, dans le jardin d’une auberge de rouliers, à

  1. Calmer mourut en 1784. Il avait eu quatre fils, deux furent guillotinés sous la Terreur, le dernier s’éteignit sans postérité en 1823.