Page:Drumont - La France juive, tome premier, 3eme édition, 1886.djvu/498

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rait posséder un jour. Mustapha confia ses peines à ces deux bons Juifs qui lui dirent : « Nous sommes ceux que vous cherchez et vous êtes l’homme que nous cherchons. Cédez-nous vos terrains et nous répondrons de votre million. »

Décidément, pensa Mustapha, Paris est une ville bien extraordinaire ! Tout s’y trouve. Il accepta avec joie l’offre qui lui fut faite de garantir sa créance, ce qui était d’autant plus facile à ses nouveaux amis, que ceux qui le menaçaient de le poursuivre et ceux qui lui proposaient de le sauver étaient les mêmes, appartenaient à un seul et même groupe financier.

Mustapha, néanmoins, n’était pas au bout de ses épreuves. Il devait en voir de toutes les couleurs avec ses Juifs et passer avec eux par toutes les vicissitudes. Tant qu’on eut besoin de lui, il traversait les antichambres au milieu d’huissiers inclinés, il s’asseyait à la place d’honneur à la table du conseil et on l’appelait gros comme le bras : Son Excellence le général Mustapha ben Ismaïl. Un peu plus tard, on l’interpellait d’un laconique : « Qu’en dit le général Mustapha ? » A la fin, il était redevenu, comme au temps de sa jeunesse, un simple banabak, on le laissait se morfondre avec les garçons de bureau et on le hélait de la porte d’un dédaigneux : « Hé, Mustapha ! » Son fez, tantôt triomphant, tantôt lamentablement affaissé et affalé comme son maître, racontait ces phases diverses.

La situation, en effet, n’était pas très nette. Les cinquante millions de propriétés, que Saddock avait donnés à son favori, dans ces heures d’épanchement, où l’on ne sait pas toujours ce qu’on fait, étaient des biens habbous, c’est à dire inaliénables. Les uns appartenait au collège Sadiki, les autres constituaient le domaine privé de la famille beylicale.