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la france juive

soupçonnait à coup sûr que le braillard occuperait le palais du grand seigneur qui, du moins, cachait, sous des grâces de patricien, une absence de sens moral moins complète, certainement, que celle de son successeur ; nul ne prévoyait que, dix-sept ans après, le bruyant déclamateur d’alors aurait des funérailles presque aussi solennelles que celles de l’homme d’État-dandy, qui avait attelé au char brillant de sa fortune la politique de l’amour et l’amour de la politique.

Peut-être la vision du Palais-Bourbon hantait-elle déjà l’obscur avocat ?

L’obsession exercée par Morny sur les gens qui étaient jeunes en 1852 a été très vive, et Alphonse Daudet a bien traduit cette impression. Homme de main, homme du monde, homme de Bourse, connaisseur d’art, ce voluptueux sans scrupules fut un idéal pour beaucoup d’hommes de cette génération fermés à tout sentiment supérieur.

Chacun prit de ce rôle complexe ce qu’il en put supporter et le joua avec les moyens dont il disposait.

L’homme de proie s’incarna dans Raoul Rigault qui, très probablement, lorsqu’il passait sa soirée aux Délassements, le jour où commençait la bataille des rues, pensait au Morny de l’Opéra-Comique.

Il y a une réminiscence et comme une charge de Morny-Mécènes dans Proust organisant des loteries et maquignonnant des œuvres d’art qui apparaît dans un portrait de Manet digne en tous points de l’original, sanglé dans une redingote indescriptible.

L’homme de finances, c’est Gambetta. Soyez convaincus qu’en organisant l’affaire de la Tunisie, il a été très fier de plagier le Mexique et qu’il a été tout heureux alors de