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gambetta et sa cour

contrepoids le poignard d’un Chereas, ce fut fa plume d’un journaliste qui tua cet Empire naissant à peine.

C’est une singulière figure encore que celle de M. Henri Rochefort, et il faut, pour bien dégager ce type, tenir compte des innombrables variétés d’êtres et d’idées, qu’ont semées dans ce pays tant de régimes, d’invasions, de passages de nations, d’incarnations humaines différentes, laissant de leur graine. Semblables à ces arbres qui revivent après des années écoulées, dans un coin de la forêt, parce qu’un germe d’eux-mêmes, déposé sur le sol, s’est conservé et développé, certaines formes d’êtres lointaines reviennent parfois tout à coup dans toute l’originalité première.

Rochefort c’est le féodal.

Ce n’est pas le grand seigneur, le marquis, le gentilhomme déchu ; c’est le féodal, non point croyant, dévoué, l’âme enfantine et pure, mais le féodal possédé du diable, le féodal blasphémant comme on en vit en pleins siècles de foi, disant, comme Raoul de Cambrai : « Vous planterez ma tente au milieu de l’église, vous ferez mon lit devant l’autel, vous mettrez mes faucons sur le crucifix d’or. »

Il a une façon de désobéir qui n’est qu’à lui, ou plutôt il revendique vis-à-vis de toute autorité ses droits premiers. Pour lui. Napoléon iii n’était qu’un homme de peu de naissance, auquel l’idée ne pouvait venir à un descendant de baron de se soumettre. Quant à Henri v, ce n’était lui aussi qu’un usurpateur et, tout en tenant compte de son ancienneté, Rochefort, qui se regardait comme d’aussi bonne naissance, ne se croyait pas tenu à s’agenouiller devant lui comme certains nobles de fraîche date. Le pamphlétaire, en effet, descend en droite ligne de Guy le Rouge — le rouge est resté dans la famille, — le sire de Rochefort, batailleur, hargneux et mauvais coucheur auquel