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la france juive

dans la rue, en constatant qu’ils lisaient le même journal !

Presque tous les matins je suivais le trottoir devant le palais de la Présidence, l’ancien hôtel Lassay, dont j’ai raconté jadis les vicissitudes, et il n’est pas un jour où je n’aie aperçu un passant, portant la blouse ou la redingote, coiffé de la casquette, du chapeau ou du képi, lançant un numéro de l’Intransigeant par-dessus la grille le long de laquelle des roses trémières dressaient leurs lances en forme de thyrse. Le maître du lieu, qui aimait au commencement à se promener vers les dix heures sous ces verdures pleines du souvenir de Morny, dut aller porter ailleurs ses rêveries matinales ; il trouvait toujours vingt-cinq numéros de l’Intransigeant sous ses pieds.

Cette race française qui, trompée, pervertie, abrutie, garde quand même cette qualité de n’être pas encore juive, il devait la retrouver au fond d’un faubourg de Paris.

Qui n’a encore présente aux regards cette scène de la rue Saint-Blaise et ce hangar banal dans lequel se passa un de ces épisodes qui parfois décident de la marche d’un siècle ?

Avec la pluie tombant à flots au dehors, les assistants piétinant dans une boue noirâtre et tantôt plongés dans la pénombre, tantôt brutalement éclairés par des projections de lumière électrique, ce chantier, qui servait de champ de bataille nocturne à la lutte pour le trône, avait un aspect à demi fantastique. C’était bien le royaume d’en bas, où l’homme d’État, sorti du néant, allait demander une nouvelle consécration aux puissances inférieures qui l’avaient créé. Devant ce César en représentation dans quelque bouge de Suburre, on se reportait à ces heures lointaines où l’investiture de la Royauté se donnait au chant