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gambetta et sa cour

Ce Baïhaut, d’ailleurs, qui garantissait sur sa parole que ces sommes énormes avaient été honnêtement employées, n’était pas un novice en matière financière ; ancien chef de bureau au Crédit lyonnais, il avait contribué à la fondation d’une société des Pêcheries dont les actions, émises à cinq cents francs, se vendent maintenant au prix du papier et il répétait volontiers dans les couloirs le mot qu’il adressait aux actionnaires mécontents : « Allez et ne péchez plus ! »

À force de traire la pauvre France, le sang, cependant, commençait à venir aux pis de la malheureuse bête. Gambetta le savait, il prévoyait la banqueroute, il sentait surtout qu’il n’avait plus rien à donner au monde d’affamés qu’il traînait derrière lui.

Comme les voleurs qui mettent le feu pour cacher leurs exploits, les faiseurs souhaitaient ardemment la guerre ; les Juifs la réclamaient à grands cris, mais la France, nous l’avons dit, ne voulait pas en entendre parler et Gambetta, après son échec de Belleville, n’était plus en état d’imposer rien.

Il y eut des querelles et des récriminations. Pour comble de malheur, Gambetta s’était brouillé avec Rothschild. Le 10 juin 1881, avait eu lieu un souper intime, dont tous les journaux ont parlé, et auquel assistaient, outre Gambetta, Alphonse de Rothschild et Gallifet, quelques grands seigneurs chargés d’amuser : le marquis du Lau, Kerjegu et le marquis de Breteuil. Gambetta avait plaisanté un peu vivement le baron sur tout l’argent qu’il avait gagné depuis quelques années.

Malgré une vigoureuse tape sur le ventre qui soulignait l’intention amicale du propos, Alphonse de Rothschild, qui avait sa névrose ce jour-là, prit mal la chose. Le baron