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gambetta et sa cour

dans le ruisseau. Ce bouquet coûte cher, il représente de l’argent sans valoir rien, il fait de l’effet, il est comme le signe bruyant d’enthousiasmes faux, il n’a point cependant la poésie de la plus humble plante qui exprime une émotion sincère ou une passion vraie.

Du spectacle de cet homme, qui a pu arriver à être un moment le maître de la France, sans parvenir à prononcer jamais une phrase française, qui a pu nous dérober notre bourse, et n’a pu nous prendre notre style, il faut rapprocher l’aversion native, spontanée, franchement accusée qu’ont éprouvée pour cet intrus tous les esprits lettrés, affinés, élevés. Républicains et conservateurs, catholiques et libres-penseurs, tous ont été d’accord sur ce point.

Écoutez Georges Sand, la vieille républicaine, qui maudit et raille à la fois Arlequin dictateur. À entendre les reproches indignés qu’elle lance du fond de son Berry, où elle est témoin des folies de la guerre en province, au viveur qui, pour prolonger l’orgie davantage, fait massacrer nos pauvres mobiles, ne semble-t-il pas entendre la France terrienne pleurant ses paysans ?

Voici qu’Alexandre Dumas complète en philosophe ce qui, chez Georges Sand, était surtout un mouvement du cœur gonflé de dégoût. Dès 1872, il tire à cet infatigable déclamateur un horoscope qui s’est réalisé de point en point et qui atteste chez l’écrivain une singulière puissance de prévision.

Gambetta, dit-il, ne fait appel qu’à des instincts, il ne rallie pas une âme et il se retrouve toujours au point de départ. Il passera sa vie à recommencer. Il s’est enfermé dans la petite boîte noire de l’athéisme ; il y donne de grand coups de tête croyant crever le ciel ; il n’arrive qu’à faire sauter le couvercle comme un joujou enragé. Il n’en sortira jamais : il a les pieds pris dans ce qui est