Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment léonin. Un écrivain, qui s’est particulièrement occupé de cette question, estime que les sommes ainsi perçues par les directeurs de cercles se sont élevées à soixante millions en cinq ans.

Il y a, à Paris, dit-il[1], à l’heure même où j’écris ces lignes, plus de cent maisons du genre de celle que je cite, où l’on joue le baccara. Sur ces cent tripots, vingt-cinq au moins fonctionnent dans des conditions exceptionnellement productives. Si bien que, calcul fait, on estime que, depuis les cinq dernières années, ces vingt-cinq maisons seulement ont englouti dans la cagnotte la somme, nous n’osons dire respectable, de soixante à soixante cinq millions ! C’est-à-dire que le malheureux joueur, sans compter ses pertes naturelles, sans compter les vols dont il a pu être victime, a dû, avant de courir les chances de bénéficier d’un centime, payer en cinq années un tribut d’au moins soixante millions !

N’est-ce pas réellement effrayant ? Et pourtant ce n’est pas tout encore, car le joueur a d’autres charges, auxquelles il ne peut se soustraire et qui naturellement concourent toutes à sa ruine. Nous voulons parler du cadeau fait au croupier par celui qui tient la banque, et de l’intérêt servi à la caisse des prêts. Nous nous

    lettres, ce qui est bien flatteur pour les écrivains et même pour les militaires qui ont gagné leur croix, non dans les claque-dents, mais sur les champs de bataille.
        M. Laisant a raconté, dans son journal la République radicale, qu’au mois de décembre 1884, un Juif, nommé Goldsmith, ayant braqué son revolver sur deux autres joueurs, ceux-ci avaient fait immédiatement le même mouvement. Ce sont tout à fait les mœurs des Haciendas du Mexique et des maisons de jeu de San-Francisco.
        Il se produit, d’ailleurs, presque chaque jour, dans ce Cercle protégé par la police, des scènes inénarrables. Ce fut à la suite d’une séance du Conseil d’administration, qui avait été véritablement épique, que le garçon dit à un des assistants qui venait se laver les mains au lavabo ce mot étonnant :
        — Que se passe-t-il donc, monsieur ? Jamais on n’a volé tant de savon qu’aujourd’hui.

  1. Figaro, février 1884.