Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/18

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payée à de trop exigeants amis, et qu’au jour du danger on laissait la besogne épineuse aux niais et aux écervelé, du parti, à ceux dont le métier est de se faire tuer pour le plus grand profit de quelques ambitieux.

Notre avocat républicain resta dans les saines et traditionnelles doctrines de l’aristocratie révolutionnaire. Il s’enveloppa dans sa dignité de chef de parti, donna force conseils, ne recula devant aucune extrémité dans ses paroles, s’épuisa plus encore qu’à la tribune en protestation, d’amour pour la liberté, pour le peuple, pour la démocratie ; mais il vint un moment où son ardeur de langage mit en émoi les agents chargés de le surveiller. Quelle ne fut pas ma surprise en recevant un rapport qui m’annonçait l’arrestation du fougueux montagnard ! Mes agents l’avaient-ils pris au sérieux, ou, plus heureuse près de mes subordonnés qu’elle ne l’avait été près de moi, Mme C… avait-elle enfin obtenu d’eux qu’ils ce prêtassent à ses prudentes sollicitudes ? Elle pus dormir en paix ; elle vit enfin réaliser la faveur qu’elle sollicitait : son mari était sous les verrous[1].

Il y a un tel côté cabotin dans le Juif, un tel mépris du public que Crémieux, dans le procès d’une dame Ronconi, qu’il plaidait devant la cour, raconta en détails ce qu’il avait enduré au coup d’Etat pour la cause de la liberté.

Ce qui est tout à fait joli, c’est qu’il fit intervenir dans son discours Mme Crémieux, se désespérant à la pensée de ce que souffrait son malheureux mari plongé au fond d’un cachot. « M. Crémieux, dit à ce sujet le compère Frédéric Thomas dans ses Petites causes célèbres, a hérité du privilège de Montaigne qui savait parler de lui sans offusquer personne. »

M. de Maupas a dû bien rire.

  1. C’est le pendant de l’histoire de Lockroy allant se faire arrêter à Clamart, en 1871, pour échapper à ses amis de la Commune.