Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/17

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comme on veut. La confiance naïve qu’eut le peuple dans cet homme est absolument inouïe. Au 2 Décembre, les ouvriers, persuadés que ce démocrate pour rire les aimait vraiment, vinrent le chercher pour le mettre à leur tête. Crémieux qui, avec Fould et tous les Juifs, était alors avec l’Empire, fut naturellement fort embarrassé. Mais c’est à M. de Maupas qu’il faut emprunter le récit de cette anecdote piquante.

Dans la matinée du 2 décembre[1], je recevais la visite d’une fort aimable femme dont le mari, avocat célèbre et montagnard par occasion n’avait pas été arrêté. C’est contre cette omission que venait protester Mme C… « Je suis au désespoir, me dit-elle ; ma maison est envahie par les plus sinistres figures. Une nuée de bandits demande à mon mari de se mettre à la tête de la résistance, de provoquer une émeute ; il leur prêche encore la patience, mais il sera forcé de céder à leurs obsessions ; ils le mèneront aux barricades et le feront tuer. Il n’y a qu’un moyen pour moi de retrouver un peu de tranquillité, de sauver les jours de mon mari, et ce moyen, vous seul en disposez, monsieur le préfet. » Et comme je semblais m’interroger pour savoir à quel genre de service Mme C… voulait faire appel, elle ajoutait : « Oh ! C’est bien simple, monsieur le préfet, faites-le arrêter. Je sais bien que vous ne lui ferez aucun mal et ses abominables amis ne pourront au moins aller le chercher à Mazas. »

Mais le montagnard pacifique n’avait rien fait encore, à cette heure, pour motiver les rigueurs si ingénieusement rêvées par Mme C… dans un excès de dévouement conjugal. Je ne voulus point recourir au moyen héroïque qui m’était demandé. Je promis seulement à ma visiteuse de faire surveiller de près son mari. Je lui tins parole, et je pus constater, ce dont je n’avais jamais douté, que les discours les plus menaçants n’étaient souvent qu’une dette

  1. Mémoires sur le second Empire.