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Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/181

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Tout ce monde est plein de chrétiens dans le genre de ceux dont parle Tertullien : Plerosque in ventum et si placuerit christianos ; ce que Bossuet traduit : « Chrétiens en l’air et fidèles si vous voulez. »

Ce qu’il y a de douleurs derrière ce luxe sans raison, absolument bête, est incroyable. Flaubert me disait un jour que c’était nous qui devrions être les médecins de certaines maladies morales, car il n’y a que nous qui les ayons étudiées. Il y a du vrai dans cette opinion. Ce qu’un Parisien sait sans avoir cherché à l’apprendre est inimaginable. Le hasard, à chaque instant, nous montre l’envers de ces existences si brillantes en apparence. Il existe, d’ailleurs, a Paris, cinq ou six prêteuses d’argent, avec lesquelles il suffit de discuter une heure pour connaître à fond le secret de cette société. Hommes et femmes viennent là, écrivent des lettres invraisemblables d’humilité, traitent l’usurière de « chère amie ; » lui prodiguent les douces paroles.

Quelques femmes du monde louent un petit appartement, y font transporter sans bruit quelques vieux meubles du château, les portraits de famille eux-mêmes, essayent de les négocier. La mère et la fille sont d’accord parfois pour ce commerce. Souvent le mari, plus sensé, est resté au château, il vit là, loin du hight life, entre une cuisinière sur le retour et quelques barriques de vin. On le fait venir, on s’efforce de le décider à vendre le domaine ; il arrive, flanqué de la servante pour ne pas faiblir, il résiste, et ce sage, qu’on traite d’être sans humanité, s’en va en disant : « Ne criez pas, ma chère, vous serez bien contente de retrouver cela. »

J’ai vu une famille de vieille noblesse envoyer chaque jour chercher, chez la crémière d’à côté, un horrible bouillon noir et sentant la graisse. Au bout de quelque temps