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Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/214

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La mère protesta avec indignation et assigna son mari pour obtenir que sa fille fût réintégrée

dans son pensionnat. Malheureusement, dans son assignation, elle traita le Conservatoire de mauvais lieu. La nécessité de protester contre cette qualification, hasardée, s’imposait au tribunal. Les juges déclarèrent donc que le Conservatoire était quelque chose comme un temple de la morale, et que, par conséquent, il était très légitime que M. Rapaport y fit entrer sa fille.

Fort de ce jugement, il garda l’enfant avec lui et se mit à la promener partout, au théâtre, au bois, dans les fêtes interlopes et toujours dans des toilettes à sensation. La mère désespérée n’y pouvait rien : Le jugement était là.

L’enfant, cependant — car c’était une enfant encore — ne voulait pas être vendue, se défendait.

Il y a quelque temps, M. Rapaport, ne désespérant pas de vaincre enfin sa résistance, eut l’idée de l’installer somptueusement pour mieux la mettre à la mode. Il lui louait donc, à son nom, avenue d’Antin, 29, un appartement de 8,000 francs par an, et il le fit très richement meubler. Il devait s’y installer avec elle le 15 courant.

La jeune fille ne s’obstina que davantage dans ses résistances, que le misérable appelait « de l’ingratitude. »

Dimanche dernier, M. Rapaport adressait à son fils la lettre qu’on va lire. Dès ce moment, voyant s’écrouler ses rêves honteusement dorés, il avait résolu de tuer celle qui ne voulait pas l’enrichir.

Voici la lettre :

Dimanche, le 10 décembre 1882
Mon fils bien-aimé,

« Ta sœur ingrate m’a poussé à bout. Elle m’a insulté au dernier degré, — de tous les côtés je suis malheureux. Ta sœur est maudite par moi, — la mort est préférable, — je regrette de ne pas pouvoir te dire adieu. Je te souhaite tout le bonheur possible.

« Je t’embrassa pour la dernière fois.
« Ton père qui t’aime. »