Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/219

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C’est « un galant homme. » Toutes les gazettes le disent et Ignotus le répète[1]. Qu’est-ce qu’un galant homme à notre époque ? Il y a ainsi, à cette fin de siècle, des mots errants, des mots fanthômes, flottant dans l’air sans se fixer nulle part, pareils à ces posthumes dont parlent les Anglais, formes vagues d’une organisation disparue, calques gazeiformes d’êtres qui ont vécu.

Suffit-il, pour être un galant homme, de faire partie de toutes les sociétés d’escrime, comme Anatole de la Forge, d’être fort aux armes et de pouvoir, selon l’expression de Dumas père, prendre un contre de quarte assez fin pour passer dans l’anneau d’une jeune fille ? Assurément non. Cette expression semble impliquer une délicatesse particulière de conscience, un raffinement dans les sentiments, une sorte de superflu dans l’honneur. N’est-ce point se moquer du monde que de se laisser décerner, en toute occasion, ce titre de «  galant homme » et d’appeler publiquement mon vieil ami, un maître chanteur[2] ? N’est-il

  1. Dans un article du 26 novembre 1884, Ignotus comparait Anatole de la Forge, le membre servile d’une majorité complaisante, à Charette ! Voilà où un écrivain d’une incontestable valeur peut en arriver quand il laisse, comme dit Montaigne : « Hypothéquer la liberté de son esprit, » quand il ne veut pas rompre avec la convention, quand il s’occupe du jugement du boulevard au lieu de penser résolûment par lui-même. Je crois qu’au fond le vrai modèle d’Anatole de la Forge, c’est le capitaine Bravida. Vous savez, ce capitaine qui retroussait sans cesse des moustaches formidables et qui s’écriait d’une voix tonnante : « Je suis Bravida, capitaine d’habillement ! »
  2. A la date du 14 octobre 1884, Anatole de la Forge écrivait à Eugène Mayer :
    « Mon cher Mayer,

    « Vos deux articles dans la Lanterne d’hier, à propos de la distribution des prix du premier concours régional de tir, font le plus grand honneur à votre caractère. Ils ne me surprennent pas, parce