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Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/271

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dévouement, de toute pensée de sacrifice, de tout instinct même de conservation sont en haut, où la haine et l’envie sont en bas.

L’identité d’impression s’arrête là. Paris n’a plus l’aspect joyeux, l’air de confiance, la puissance ensorcelante qu’il avait à la fin de l’Empire. Malgré l’effort qu’il fait pour se démener, il exhale une odeur cadavéreuse. Le cœur est comme envahi par une insurmontable tristesse et plus d’un de nous ratifierait ce qu’un Anglais, M. Georges Sims, écrivait il y a quelque temps sur ce Paris qui fut nos chères amours.

J’ai connu et aimé Paris toute ma vie, dit l’auteur d’In the ranks, et je n’y ai jamais passé une heure d’ennui, si ce n’est aujourd’hui. Il y a deux ans, je prenais le café sur le boulevard, en voyant passer le flux et le reflux de la vie parisienne. À cette époque déjà, on remarquait un changement : Paris descendait la pente dont il a atteint aujourd’hui la base. Le voilà par terre, en tas, appelant en vain l’homme qui le relayera pour le ramener au sommet. « République, ton nom est banqueroute ! » s’écrie un journaliste connu, et quoique je ne sois pas bien sûr que ce soit précisément de la faute de la République, je dois constater qu’il y a une quantité de banqueroutes. Les meilleures maisons de commerce sont fermées on en liquidation ; les théâtres, à peu d’exceptions près, font de mauvaises affaires ; les trottoirs bitumés sont en plus mauvais état qu’à Londres, grâce à notre administration de paroisse.

Toutes les classes sont sous l’empire d’un malaise. Les seules personnes convenablement mises sont les Anglaises et les Américaines. Paris est in extremis. Je ferme les yeux, pour réveiller en moi l’image des temps d’autrefois, des étalages splendides des magasins, des rues éclairées à jour, des femmes élégantes, des équipages magnifiques, des uniformes brillants, le bruit et le mouvement d’une ville en habit de dimanche continuel. Je rouvre les yeux, et je trouve une population misérablement vêtue, des exhibitions pauvres d’articles démodés à Londres, et au-dessus de tout