Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/524

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loi et les tient par la menace de fermer ce crédit ; il concède une sorte d’impunité subordonnée à certaines conditions de dévouement, il accorde deux ou trois délits à commettre au choix comme on accorde un bureau de tabac.

Ce que n’ont indiqué ni Ignotus, ni M. Guillot, ni tous ceux qui se sont occupés de la persécution exercée par la magistrature franc-maçonnique, c’est l’état psychologique de tous ces persécutés grands et petits, qui rend leurs tortures mille fois plus atroces qu’elles ne le seraient pour nous et en même temps les met presque hors d’état de se défendre. Il y a là encore comme une confirmation de la justesse du mot de Taine, qui parait si simple : « la Révolution est un retour à l’état de nature. » Le malheur de ces persécutés honnêtes est de rester des civilisés, de croire qu’on vit encore sous le régime des lois, que les magistrats sont de vrais magistrats, que la police, l’administration, la justice fonctionnent régulièrement. L’accusation dont ils sont l’objet prend pour eux l’importance qu’elle aurait dans une situation normale.

Je me souviens toujours d’une jolie histoire que m’a contée Alexandre Dumas.

Il rencontre un jour dans un salon une femme qui, après avoir rôti le balai vingt ans, avait fini par se faufiler dans le vrai monde ou dans quelque chose qui y ressemblait.

Cette femme traite Dumas et son œuvre du haut en bas, elle lui reproche de n’avoir jamais décrit que des milieux malsains, de n’avoir jamais mis en scène une honnête femme.

Dumas écoutait. Sans doute si ce reproche lui avait été adressé par quelque jeune fille innocente, il eût souri de cette façon de juger son œuvre et n’eût pas répondu. Si celle qui lui parlait eût succombé à l’entraînement du cœur,