Page:Drumont - La France juive, tome second, 3eme édition, 1886.djvu/539

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France ne dépendait pas de l’expulsion de trois religieux qui ne descendaient pas au village une fois par mois, le maire espérait peut-être que le sous-préfet oublierait à table la vilaine besogne qui l’amenait et que tout resterait en l’état.

On déjeuna comme on déjeune dans le Forez ; et, à la tombée du jour, après le Champagne, l’administrateur républicain était fin saoul — c’est l’expression usitée dans le pays. On l’expédia tant bien que mal vers sa résidence et les gens de l’endroit, qui ont la tête solide, allèrent deviser chez Esope de la supériorité morale des fonctionnaires de la démocratie sur les suppôts de la tyrannie.

Malheureusement cette fois, Raton, le sous-préfet avait été plus malin que Bertrand, le maire. Entre deux rasades, sans qu’on puisse savoir à quel moment, il avait ordonné à un gendarme, du nom de Tarhouriech, d’exécuter ce qu’il n’osait entreprendre lui-même et d’aller jeter les religieux hors de chez eux pendant qu’il continuerait à fêter la dive bouteille et à faire l’éloge de la liberté.

Tarbouriech partit flanqué d’un compagnon et n’eut pas la main tendre. Des trois religieux, un resta pour garder l’immeuble, un autre se dirigea vers le château de M. de Barante où une retraite lui avait été préparée ; le troisième s’achemina vers Verrines, un village au-dessous de la montagne où il devait également trouver un asile.

Celui-là s’appelait le Père Corentin. Il avait soixante-dix ans ; pendant près de quarante années il avait prêché l’Evangile aux Indiens de l’Amérique, puis épuisé, souffrant cruellement de la poitrine, il était venu là pour se reposer. C’était une idée peu heureuse.

En novembre, la neige couvre déjà l’Hermitage. Grâce aux dernières clartés du jour le pauvre religieux se dirigea