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Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/127

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Quand toutes les voix encores
Complaintes deviendroyent ores,
Si ne me suffiroyent point
Les pleurs, les souspirs, le plaindre,
A vivement contrefeindre
L’ennuy, qui le cœur me poingt.
Ainsi que la fleur cueillie
Ou par la bize assaillie
Perd le vermeil de son teint,
En la fleur du plus doux aage
De mon pallissant visage
La vive couleur s’esteint.
Une languissante nue
Me sille desjà la vue,
Et me souvient en mourant
Des douces rives de Loyre,
Qui les chansons de ma gloire
Alloit jadis murmurant.
Alors que parmi la France
Du beau Cygne de Florence
J’allois adorant les pas,
Dont les plumes j’ay tirées.
Qui des ailes mal cirées
Le vol n’imiteront pas.
Quel bois, quelle solitude,
Tesmoin de l’ingratitude
De l’archer malicieux.
Ne resonne les alarmes
Que les amoureuses larmes
Font aux esprits vicieux.
Les bleds ayment la rousée
Dont la plaine est arrousée :
La vigne ayme les chaleurs,
Les abeilles les fleurettes,
Et les vaines amourettes
Les complaintes et les pleurs.
Mais ia douleur véhémente,
Qui maintenant me tourmente,
A repoussé loin de moy.
Telle fureur insensée
Pour entrer en ma pensée