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Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 2.djvu/126

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A mon ame, qui s’efforce
De souspirer mes douleurs ?
Et qui fera sur ma face
D’une larmoyante trace
Couler deux ruisseaux de pleurs ?
Sus mon cœur ouvre ta porte
A lin que de mes yeux sorte
Une mer à ceste fois.
Ores faut que tu te plaignes,
Et qu’en tes larmes tu baignes
Ces montaignes et ces bois.
Et vous mes vers dont la course
A de la première source
Les sentiers abandonne/.
Fuyez à bride avalléc,
Et la prochaine vallée
De vostre bruict estonnez.
Vostre eau, qui fut claire et lente
Ores trouble et violente,
Semblable à ma douleur soit,
Et plus ne meslez vostre onde
A l’or de l’arène blonde,
Dont vostre fond jaunissoit.
Mais qui sera la première ?
Mais qui sera la dernière
De vos plaintes ? O bons Dieux !
La furie qui me dompte
Las, je sens qu’elle surmonte
Ma voix, ma langue et mes yeux.
Au vase estroit, qui dégoutte
Son eau qui veut sortir toute.
Ores semblable je suis :
Et faut, ô plainte nouvelle !
Que mes plaincts je renouvelle
Dont plaindre assez je ne puis.
Quand toutes les eaux des nues
Seroient larmes devenues,
Et quand tous les vents cognus
De la charette importune
Qui fend les champs de Neptune,
Seroient souspirs devenus :