Si d’avanture j’arrive
Sur la verdoyante rive,
J’essourde le bruit des eaux :
Si au bois je me transporte,
Soudain je ferme la porte
Aux doux gosiers des oiseaux
Jadis la tourbe sacrée
Qui sur le Loyr se recrée
Me daignoit bien quelquefois
Guider autour des rivages,
Et par les antres sauvages,
Imitateurs de ma voix :
Mais or’ toute espouvantée
Elle fuit d’estre hantée
De moy despit et félon,
Indigne que ma poictrine
Reçoive sous la courtine
Les saints prcsens d’Apollon.
Mesmes la voix pitoyable.
Dont la plainte larmoyable
Rechante les derniers sons,
Dure et sourde à ma semonce
Desdaigne toute responce
A mes piteuses chansons.
Quelque part que je me tourne,
Le long silence y séjourne
Comme en ces temples dévots,
Et comme si toutes choses
Pesle-mesle estoyent r’encloses
Dedans leur premier caos.
Mettez-moy donq’ où la tourbe
Du peuble estonné se courbe
Devant le sceptre des Rois,
Et en tous les lieux encore,
Où plus la France décore
Et ses armes et ses loix :
Mettez-moy, où l’on accorde
La contre-accordante corde
Par les discordans accords.
Et où la beauté des Dames
Souffle les secrettes flammes
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