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Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/120

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Voyant d’une autre part la fraude, la malice,
Le procez immortel, le droit mal conseillé :
Et voyant au milieu du vice dereiglé
Ceste royale fleur, qui ne tient rien du vice :

Il me semble, Dorat, voir au ciel revolez
Des antiques vertuz les escadrons ailez,
N’ayans rien delaissé de leur saison doree

Pour reduire le monde à son premier printemps,
Fors ceste Marguerite, honneur de nostre temps,
Qui, comme l’esperance, est seule demeuree.

CLXXX

De quelque autre suject, que j’escrive, Jodelle,
Je sens mon cœur transi d’une morne froideur,
Et ne sens plus en moy ceste divine ardeur,
Qui t’enflamme l’esprit de sa vive estincelle.

Seulement quand je veux toucher le los de celle
Qui est de nostre siecle et la perle, et la fleur,
Je sens revivre en moy ceste antique chaleur,
Et mon esprit lassé prendre force nouvelle.

Bref, je suis tout changé, et si ne sçay comment,
Comme on voit se changer la vierge en un moment,
À l’approcher du Dieu qui telle la fait estre.

D’où vient cela, Jodelle ? il vient, comme je croy,
Du suject, qui produit naïvement en moy
Ce que par art contraint les autres y font naistre.

CLXXXI

Ronsard, j’ay veu l’orgueil des Colosses antiques,
Les theâtres en rond ouvers de tous costez,
Les colomnes, les arcs, les hauts temples voutez,
Et les sommets pointus des carrez obelisques.

J’ay veu des Empereurs les grands thermes publiques,
J’ay veu leurs monuments que le temps a dontez,
J’ay veu leurs beaux palais que l’herbe a surmontez,
Et des vieux murs Romains les poudreuses reliques.

Bref, j’ay veu tout cela que Rome a de nouveau,
De rare, d’excellent, de superbe, et de beau :