Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/121

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Mais je n’y ay point veu encores si grand’chose

Que ceste Marguerite, où semble que les cieux,
Pour effacer l’honneur de tous les siecles vieux,
De leurs plus beaux presens ont l’excellence enclose.

CLXXXII

Je ne suis pas de ceux qui robent la loüange,
Fraudant indignement les hommes de valeur,
Ou qui, changeant le noir à la blanche couleur
Sçavent, comme l’on dit, faire d’un diable un ange.

Je ne fay point valoir, comme un tresor estrange,
Ce que vantent si haut nos marcadans d’honneur,
Et si ne cherche point que quelque grand seigneur
Me baille pour des vers des biens en contr’ eschange.

Ce que je quiers, Gournay, de ceste sœur de Roy,
Que j’honore, revere, admire comme toy,
C’est que de la louer sa bonté me dispense,

Puis qu’elle est de mes vers le plus louable object :
Car en loüant, Gournay, si louable subject,
Le los que je m’acquiers, m’est trop grand’ recompense.

CLXXXIII

Morel, quand quelquefois je perds le temps à lire
Ce que font aujourd’huy nos trafiqueurs d’honneurs,
Je ri de voir ainsi desguiser ces Seigneurs,
Desquels (comme lon dit) ils font comme de cire.

Et qui pourroit, bons dieux ! se contenir de rire
Voyant un corbeau peint de diverses couleurs,
Un pourceau couronné de roses et de fleurs,
Ou le portrait d’un asne accordant une lire ?

La louange, à qui n’a rien de loüable en soy,
Ne sert que de le faire à tous monstrer au doy,
Mais elle est le loyer de cil qui la merite.

C’est ce qui fait, Morel, que si mal volontiers
Je di ceux, dont le nom fait rougir les papiers,
Et que j’ay si frequent celuy de Marguerite.