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XXVII

Toy qui de Rome esmerveillé contemples,
L’antique orgueil qui menassoit les cieux,
Ces vieux palais, ces monts audacieux,
Ces murs, ces arcs, ces thermes et ces temples,

Juge, en voyant ces ruines si amples,
Ce qu’a rongé le temps injurieux,
Puisqu’aux ouvriers les plus industrieux
Ces vieux fragmens encor servent d’exemples,

Regarde après, comme de jour en jour
Rome fouillant son antique sejour
Se rebastit de tant d’œuvres divines :

Tu jugeras, que le dœmon Romain
S’efforce encore d’une fatale main
Ressusciter ces poudreuses ruines.

XXVIII

Qui a veu quelquefois un grand chesne asseiché
Qui pour son ornement quelque trophee porte,
Lever encor’ au ciel sa vieille teste morte,
Dont le pied fermement n’est en terre fiché,

Mais qui dessus le champ plus qu’à demi penché
Monstre ses bras tout nuds, et sa racine torte,
Et sans feuille ombrageux, de son poids se supporte
Sur son tronc noüalleux, en cent lieux esbranché :

Eh bien qu’au premier vent il doive sa ruine,
Et maint jeune à l’entour ait ferme la racine,
Du devot populaire estre seul reveré.

Qui tel chesne a peu voir, qu’il imagine encores
Comme entre les citez, qui plus florissent ores
Ce vieil honneur poudreux est le plus honoré !

XXIX

Tout ce qu’Egypte en pointe façonna
Tout ce que Grece à la Corinthienne,
A l’Ionique, Attique ou Dorienne,
Pour l’ornement des temples maçonna.

Tout ce que l’art de Lysippe donna,
La main d’Apelle, ou la main Phidienne,