Aller au contenu

Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
13
Antiquitez de Rome

Ou quelque vieil peché qui d’un discord mutin
Exerçoit contre vous sa vengeance eternelle ?
Ne permettant des Dieux le juste jugement,
Vos murs ensanglantez par la main fraternelle
Se pouvoir asseurer d’un ferme fondement.

XXV

Que n’ay-je encore la harpe Thracienne,
Pour resveiller de l’enfer paresseux
Ces vieux Cesars, et les Ombres de ceux
Qui ont basti ceste ville ancienne !
Ou que je n’ay celle Amphionienne
Pour animer d’un accord plus heureux
De ces vieux murs les ossemens pierreux
Et restaurer la gloire Ausonienne !
Peusse-je au moins, d’un pinceau plus agile,
Sur le patron de quelque grand Virgile,
De ces palais les portraicts façonner !
J’entreprendrois, veu l’ardeur qui m’allume,
De rebastir au compas de la plume
Ce que les mains ne peuvent maçonner.

XXVI

Qui voudroit figurer la Romaine grandeur
En ses dimensions, il ne luy faudroit querre
À la ligne, et au plomb, au compas, à l’equerre
Sa longueur et largeur, hautesse et profondeur :
Il luy faudroit cerner d’une egale rondeur
Tout ce que l’Ocean de ses longs bras enserre,
Soit où l’Astre annuel eschauffe plus la terre,
Soit où soufle Aquilon sa plus grande froideur.
Rome fut tout le monde, et tout le monde est Rome.
Et si par mesmes noms mesmes choses on nomme,
Comme du nom de Rome on se pourroit passer,
La nommant par le nom de la terre et de l’onde :
Ainsi le monde on peut sur Rome compasser,
Puis que le plan de Rome est la carte du monde.