Page:Du Bellay - Œuvres complètes, édition Séché, tome 3.djvu/86

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C

Ursin, quand j’oy nommer de ces vieux noms Romains,
De ces beaux noms cognus de l’Inde jusqu’au More,
Non les grands seulement, mais les moindres encore,
Voire ceux-là qui ont les ampoulles aux mains :

Il me fasche d’ouïr appeller ces villains
De ces noms tant fameux que tout le monde honore :
Et sans le nom Chrestien, le seul nom que j’adore,
Voudrais que de tels noms on appellast nos Saints.

Le mien sur tous me fasche, et me fasche un Guillaume,
Et mil autres sots noms communs en ce royaume,
Voyant tant de facquins indignement jouir

De ces beaux noms de Rome, et de ceulx de la Grece :
Mais par sur tout, Ursin, il me fasche d’ouïr
Nommer une Thaïs du nom d’une Lucrece.

CI

Que dirons-nous, Melin, de ceste court Romaine,
Où nous voions chacun divers chemins tenir,
Et aux plus hauts honneurs les moindres parvenir,
Par vice, par vertu, par travail, et sans peine ?

L’un fait pour s’avancer une despense vaine,
L’autre par ce moyen se voit grand devenir :
L’un par severité se sçait entretenir,
L’autre gaigne les cœurs par sa douceur humaine :

L’un pour ne s’avancer se voit estre avancé,
L’autre pour s’avancer se voit desavancé,
Et ce qui nuit à l’un, à l’autre est profitable :

Qui dit que le sçavoir est le chemin d’honneur,
Qui dit que l’ignorance attire le bon heur,
Lequel des deux, Melin, est le plus veritable ?

CII

On ne fait de tout bois l’image de Mercure,
Dit le proverbe vieil : mais nous voyions ici
De tout bois faire Pape, et Cardinaux aussi,
Et vestir en trois jours tout une autre figure.