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LIV
Or’ que la nuit son char etoilé guide
Qui le silence et le sommeil rameine,
Me plaist lascher, pour desaigrir ma peine,
Aux pleurs, aux criz et aux soupirs la bride.
O ciel ! ô terre ! ô element liquide !
O ventz ! ô bois ! rochiers, monteigne et plaine,
Tout lieu desert, tout rivage et fonteine,
Tout lieu remply et tout espace vide !
O demyz Dieux ! ô vous, nymphes des bois !
Nymphes des eaux, tous animaux divers,
Si onq’ avez senty quelque amitié,
Veillez piteux ouyr ma triste voix,
Puis que ma foy, mon amour, et mes vers
N’ont sceu trouver en Madame pitié.
  
LV
O foible esprit, chargé de tant de peines,
Que ne veulx-tu soubz la terre descendre ?
O cœur ardent ; que n’es-tu mis en cendre ?
O tristes yeulx, que n’estes-vous fonteines ?
O bien douteux ! ô peines trop certaines !
O doulx sçavoir, trop amer à comprendre
O Dieu qui fais que tant j’ose entreprendre,
Pourquoy rends-tu mes entreprises vaines ?
O jeune archer, archer qui n’as point d’yeulx,
Pourquoy si droict as-tu pris ta visée ?
O vif flambeau ; qui embrases les Dieux,
Pourquoy as-tu ma froideur attisée ?
O face d’ange ! ô cœur de pierre dure !
Regarde au moins le torment,