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LXVI
Pour mettre en vous sa plus grande beauté,
Le ciel ouvrit ses plus riches thesors :
Amour choisit de ses traictz les plus fors,
Pour me tirer sa plus grand’ cruauté.
Les Astres n’ont de luire liberté,
Quand le Soleil ses rayons met dehors :
Où apparoist votre celeste corps,
La beauté mesme y perdroit sa clerté.
Si le torment de mes affections
Croist à l’égal de voz perfections,
Et si en vous plus qu’en moy je demeure,
Pourquoy n’as-tu, ô fiere destinée !
Rompu le fil de ma vie obstinée ?
Je ne croy point que de douleur on meure.
  
LXVII
Sus, chaulx soupirs, allez à ce froid cœur,
Rompez ce glaz, qui ma poitrine enflamme :
Et vous, mes yeulx, deux tesmoings de ma flamme,
Faictes pluvoir une triste liqueur.
Allez pensers, flechir cete rigueur,
Engravez moy au marbre de cete ame :
Et vous, mes vers, criez devant Madame,
Mort, ou mercy soit fin de ma langueur.
Dictes comment ces tenailles d’yvoire
Pour animer l’immortel de sa gloire
Ont arraché mon esprit de sa place,
Et que mon cœur rien qu’elle ne respire.
O bien heureux qui void sa belle face !
O plus heureux qui pour elle soupire !
  
LXVIII