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LXVIII.

Que n’es-tu las (mon desir) de tant suyvre
Celle qui est tant gaillarde à la fuite ?
Ne la vois-tu devant ma lente suite
Des laqs d’amour voler franche, et delivre ?
Ce faulx espoir, dont la doulceur m’enyvre,
Tout en un poinct m’arreste, et puis m’incite,
Me pousse en hault, et puis me precipite,
Me faict mourir, et puis me faict revivre.
Ainsi courant de sommez en sommez
Avec’ Amour, je ne pense jamais,
Fol desir mien, à te haulser la bride.
Bien m’as-tu donq’ mis en proye au danger,
Si je ne puis à mon gré te ranger,
Et si j’ay pris un aveugle pour guide.

LXIX.

L’enfant cruel de sa main la plus forte
M’ouvrit le flanc, qui est le plus debile,
Plantant au roc de mon cœur immobile
Le sainct rameau, qu’en mon ame je porte.
Toute vertu, tout honneur, toute sorte
De bonne grace, et de façon gentile
Sont pour racine à la plante fertile
Dont la haulteur jusq’au ciel me transporte.
L’eau de mes yeulx, et la vive chaleur
De mes soupirs en vigueur la maintiennent :
Son pasle teinct ressemble à ma couleur.
La, mes ecriz fueille seiche deviennent :
Mon vain espoir y est tousjours en fleur,
Et mes ennuiz sont les fruictz, qui en viennent.