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LXXVI
Quand la fureur, qui bat les grandz coupeaux,
Hors de mon cœur l’Olive arachera,
Avec le chien le loup se couchera,
Fidele garde aux timides troupeaux.
Le ciel, qui void avec tant de flambeaux,
Le violent de son cours cessera,
Le feu sans chault et sans clerté sera,
Obscur le ront des deux astres plus beaux.
Tous animaulx changeront de sejour
L’un avec’ l’autre, et au plus cler du jour
Ressemblera la nuit humide et sombre,
Des prez seront semblables les couleurs,
La mer sans eau, et les forestz sans ombre,
Et sans odeur les roses, et les fleurs.
  
LXXVII
O fleuve heureux, qui as sur ton rivage
De mon amer la tant doulce racine,
De ma douleur la seule medicine,
Et de ma soif le desiré bruvage !
O roc feutré d’un verd tapy sauvage !
O de mes vers la source cabaline !
O belles fleurs ! ô liqueur cristaline !
Plaisirs de l’œil, qui me tient en servage.
Je ne suis pas sur vostre aise envieux,
Mais si j’avoy’ pitoyables les Dieux,
Puis que le ciel de mon bien vous honnore,
Vous sentiriez aussi ma flamme vive,
Ou comme vous, je seroy’ fleuve et rive,
Roc, source, fleur, et ruisselet encore.