Page:Du Bellay - L'olive augmentee depuis la premiere edition, 1550.djvu/57

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

LXXX
Toy, qui courant à voile haulte, et pleine,
Sage, ruzé, et bienheureux nocher,
Loing du destroict, du pyrate, et rocher,
Voles hardy où le desir te meine,
Ne crain pourtant, oyant ma souveréne,
Caler la voile, ou les ancres lâcher.
Sa doulce voix ne te poura fâcher,
Voix angelique, et non d’une Seréne.
Si tu la vois, tu verras le soleil
Du beau visage, à cetuy là pareil,
Que l’Ocëan de ses longs braz enserre.
O mile fois le bien aimé des Dieux !
Qui sans mourir, et sans voler aux cieulx,
Peult contempler le paradis en terre !
  
LXXXI
Celle qui tient l’aele de mon desir,
Par un seul ris achemine ma trace
Au paradis de sa divine grace,
Divin sejour du Dieu de mon plaisir.
Là les amours volent tout à loisir,
Là est l’honneur, engravé sus sa face,
Là les vertus, ornement de sa race,
Là les beautez, qu’au ciel on peult choisir.
Mais si d’un œil foudroyant elle tire
Dessus mon chef quelque traict de son ire,
J’abisme au fond de l’eternelle nuit.
Là n’est ma soif aux ondes perissante,
Là mon espoir et se fuit et se suit,
Là meurt sans fin ma peine renaissante.
  
LXXXII