Page:Du Bellay - La Deffence, et illustration de la langue francoyse.djvu/10

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les autres : comme Anacharſis diſoit, que les Scythes etoint Barbares entre les Atheniens, mais les Atheniens auſſi entre les Scythes. Et quand la barbarie des meurs de notz Ancéſtres euſt deu les mouuoir à nous apeller Barbares, ſi eſt ce, que ie ne voy point, pourquoy on nous doiue maintenant eſtimer telz : veu qu’en eiuilité de meurs, equité de loix, magnanimité de couraiges, bref en toutes formes, & manieres de viure non moins louables, que ꝓfitables, nous ne ſommes rien moins qu’eux : mais bien plus, veu qu’ilz ſont telz maintenant, que nous les pouuons iuſtement apeller par le nom, qu’ilz ont donné aux autres. Encores moins doit auoir lieu, de ce que les Romains nous ont appellez Barbares, veu leur ambition,& inſatiable faim de gloyre : qui tachoint non ſeulement à ſubiuguer, mais à rendre toutes autres nations viles, & abiectes aupres d’eux : principalement les Gauloys, dont ilz ont receu plus de honte, & dommaige, que des autres. A ce propos, ſongeant beaucoup de foys, d’ou viẽt que les geſtes du peuple Romain ſont tãt celebrés de tout le Mõde, voyre de ſi long interuale ꝓferés à ceux de toutes les autres Natiõs enſemble, ie ne treuue point pl grande raiſon que ceſte cy : c’eſt que les Romains ont eu ſi grande multitude d’Ecriuains, que la plus part de leur geſtes (pour ne dire pis) par l’Eſpace de tant d’années, ardeur de