toute leur vertu eſt née au monde du vouloir, & arbitre des mortelz. Cela (ce me ſemble) eſt vne grande rayſon, pourquoy on ne doit ainſi louer vne Langue, & blamer l’autre : veu qu’elles viennent toutes d’vne meſme ſource, & origine : c’eſt la fantaſie des hommes : & ont eté formees d’vn meſme iugement, à vne meſme fin : c’eſt pour ſignifier entre nous les conceptions, & intelligences de l’eſprit. Il eſt vray q̃ par ſucceſsion de tens les vnes pour auoir eté plus curieuſement reiglées ſont deuenues plus riches, que les autres : mais cela ne ſe doit attribuer à la felicité deſdites Langues, ains au ſeul artifice, & induſtrie des hommes. Ainſi donques toutes les choſes, que la Nature a crées, tous les Ars, & Sciences en toutes les quatre parties du monde, ſont chacune endroict ſoy vne meſne choſe : mais pour ce que les hommes ſont de diuers vouloir, ilz en parlent, & ecriuent diuersement. A ce propos, ie ne puis aſſez blamer la ſotte arrogance, & temerité d’aucuns de notre nation, qui n’etans riens moins que Grecz, ou Latins, depriſent, & reietẽt d’vn ſourcil plus que Stoïque, toutes choſes ecrites en Francois : & ne me puys aſſez emerueiller de l’etrange opinion d’aucuns ſcauãs, qui penſent que noſtre vulgaire ſoit incapable de toutes bonnes lettres, & erudition : comme ſi vne inuention pour le Languaige ſeulement deuoit eſtre iugée bonne, ou mauuaiſe. A ceux
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