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TRAGEDIE.

Eſt le vrai ſentiment que tant de gloire inſpire ;
Un plus tendre intérêt en terniroit l’éclat.

ORITHIE.

Ah ! que ce trait flateur peint bien un cœur ingrat !
Cruel, laiſſe ma gloire & conſerve ta vie ;
Je chériſſois nos loix, je te les ſacrifie.
Fidèle à la vertu, ſans toi mon triſte cœur
Jamais des feux d’amour n’eût reſſenti l’ardeur :
Et ſur le Thermodon tu portes plus d’alarmes,
Que les monſtres cruels terraſſés par tes armes ;
Leurs perfides regards du moins n’ont point d’appas,
Qui voilent les dangers qu’on trouve ſur leurs pas.
Pourquoi franchir les mers, dont le Ciel nous ſépare,
Pour bannir la vertu de ce ſéjour barbare
Y porter les ſoupçons, la honte, les remords,
Et rendre un fol amour vainqueur de mes efforts ?
En mille autres climats ſa chaîne eſt légitime :
On briſe ici ſes nœuds, & ſon joug eſt un crime ;
Mais s’il eſt des mortels formés pour tout charmer,
Que n’ont ils donc des cœurs que l’on puiſſe enflammer ?
Tu fis naître en mon ſein un feu qui me dévore,
Et tu hais juſqu’aux ſoins de l’objet qui t’adore.
Ah ! du moins ſi ton ame inſenſible à l’amour,