Page:Du Bouvot De Chauvirey - La terre de Chauvirey, 1865.djvu/116

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XIX. — JEAN-ÉTIENNE-LOUIS ROUSSEL, qui prétendait se faire appeler Roussel de Gressoux, né le 26 avril 1794 mort le 25 septembre 1857, fut soumis pendant son enfance à un régime fort singulier : sa mère l'allaita jusqu'à l'âge de sept ans, et les résultats de cette expérience, probablement la première de ce genre qui ait été tentée, ne furent de nature à engager personne à la renouveler. Il est certain au moins qu'elle n'eut aucune influence avantageuse sur Roussel soit au physique, soit au moral ; mais en revanche elle prêta beaucoup à rire à tous ceux qui eurent occasion de voir ce petit bonhomme en habit français, en culotte, en souliers à boucles, les cheveux (du plus beau rouge) élégamment serrés en queue à la prussienne, debout à côté de sa mère assise, prenant avidement une alimentation qui n'était plus appropriée à son âge.

Il fut toute sa vie, et dès sa première jeunesse, d'une avarice sordide en même temps que d'une originalité fort excentrique. S'il n'eut, quant à l'habileté de main, ni les mêmes occasions ni la même audace que son père, il en eut du moins les instincts, et, faute de pouvoir faire mieux et plus vite, il pratiqua l'usure avec autant d'avidité que de persistance. Pour se livrer plus complètement à cette passion, il négligeait ses propriétés foncières, laissait ses terres en friche et ses bâtiments sans entretien, et ne s'occupait que de faire travailler ses capitaux, ne calculant même pas que ce qu'il aurait tiré de ses terres aurait augmenté ceux-ci et par conséquent aurait facilité l'extension de ses opérations usuraires. Mais il était dominé par la crainte de voir ses fermiers faire quelque profit, et il aimait mieux tout perdre que de