où la nature lutte contre sa fin, que ce malheureux fut renvoyé chez lui : mais il était trop tard ; quelques jours après, il rendit l’âme, dans des contorsions effroyables, entre les bras de sa famille, qui vomissait les plus terribles imprécations, non seulement contre l’auteur de tant de barbarie et de leur ruine, mais contre le gouvernement, qui avait pu fixer son choix sur un tel monstre, pour gouverner tout un peuple.
Cependant l’administration de Québec se lassa non pas de garder sous la clef, cette légion captive, mais de la nourrir ; car il fallut en venir là, ou la massacrer tout d’un coup. La justice demandait que ces prisonniers fussent rendus à leurs familles, après une absolution juridique ; avec leur liberté, ils auraient du moins emporté chez eux leur honneur, qu’ils n’avaient pas mérité de perdre : mais leur réhabilitation civile aurait été, aux yeux du peuple, une condamnation formelle de l’exertion du pouvoir qui les avait injustement punis : le gouvernement se fit une maligne politique, de se conserver, au moins de présomption apparente, la gloire d’avoir été justement cruel. On eut donc l’habileté de ménager, avec une artificieuse malice, leur évasion. Que dis-je ? Les militaires les invitaient, les contraignaient même à la fuite : les uns s’embarquèrent à la sourdine pour des pays étrangers ; d’autres, à travers l’obscurité des forêts, cherchèrent un asile dans le sein des colonies américaines,