Un juge enflé de sa grandeur personnelle, et entaché encore du levain de la fierté et du despotisme militaire, s’effara de se voir, à mon occasion, l’objet de l’animadversion de son supérieur en magistrature. Son ressentiment couva quelque temps sous l’amas des projets ténébreux de sa colère : un incident le fit tout-à-coup éclore et éclater. Un concours de charrettes, en action et en œuvre autour de la bâtisse d’une église nouvellement édifiée, dans la rue même où est située ma maison, embarrassa sa marche comme il conduisait en triomphe son épouse dans son cabriolet. Un homme qui, dans les délires habituels de l’amour-propre, imaginait que tout devait s’abaisser, s’aplanir et disparaître à sa présence, fulmina de rencontrer ainsi des obstacles sur son chemin. Le fouet à la main, et déjà levé, il se préparait à décharger le poids de sa furie sur un des auteurs ; mais le charretier plus savant que lui dans l’art de manier cet instrument de sa profession et en attitude de déployer expérimentalement sa science, amortit d’abord, en brave Canadien, les premières fougues du furibond. J’étais alors à me promener avec des amis sur la galerie qui règne, à l’italienne, sur le frontispice de ma maison. Ma vue, en retraçant à son imagination d’anciens chagrins, donne une nouvelle existence et une addition de force à sa mauvaise humeur présente. Bouillant de courroux, il m’assaillit de paroles, mais sur un ton soldatesque et dragon qui attentait aux spectateurs, foi de politesse et d’éducation, que la violence de