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LES ARRESTATIONS.

Aussitôt une révolution faite, un groupe d’incapables s’en empare, chacun demande des fonctions ; on a de la sorte un gouvernement républicain sans républicains, un gouvernement révolutionnaire sans révolutionnaires. Le pays n’est plus qu’un vaste fromage de Hollande où chacun se construit son petit ermitage. Je vais aux avant-postes faire un tour ; si je suis blessé, je me trouverai honorablement dispensé de continuer. Je vous embrasse, je vous aime et je vous regrette. — L. Rossel. 17 avril 1871, trois heures après midi. » Son rôle lui pesait et lui plaisait ; il ne sut ni l’accepter, ni le rejeter ; aveuglé par l’ambition, il s’était égaré dans une impasse où il devait nécessairement périr.

Lorsque la Commune, soupçonneuse de sa nature, comme tous les gouvernements incapables, eut révoqué Cluseret, Rossel fut nommé délégué à la guerre. C’est là que le personnage se dessine et laisse deviner aux moins clairvoyants le but qu’il cherche à atteindre. Il se soumet en apparence au contrôle administratif du Comité central et rend compte à la Commune de ses opérations militaires ; il flatte ces deux pouvoirs rivaux et s’appuie sur l’un afin de neutraliser l’autre ; il rêve de les absorber tous les deux, de vaincre l’armée de Versailles, de devenir l’idole du peuple délivré par lui et d’entendre crier : Ave, Cæsar ! Ce rêve ne fut pas long, car il était prématuré. Rossel, qui cependant était instruit, ignorait que toute révolution, à son début, obéit à la force centrifuge et qu’il lui faut bien du temps, bien des malheurs, bien des revers pour qu’elle en arrive à s’absorber dans un seul homme ; faute d’avoir connu cette loi inscrite à chaque page de l’histoire, il prit la mauvaise route et arriva au précipice plus rapidement encore que ses éphémères et médiocres prédécesseurs.

II avait acquis dans l’armée régulière des habitudes