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Page:Du Camp - Les Convulsions de Paris, tome 1.djvu/113

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LES PREMIÈRES EXÉCUTIONS.

Le malheureux qui avait réussi à faire dégarnir les fortifications et à permettre le passage aux troupes régulières entrait au Dépôt le jour même où celles-ci, averties par M. Ducatel, pénétraient dans Paris. Dombrowski, se croyant trahi par Veysset, désespéré de se sentir abandonnè, se voyant soupçonné par les officiers qu’il avait associés à son œuvre, opéra sa retraite. Le 23 mai, en passant devant une barricade du boulevard Ornano, il fut atteint au « creux de l’estomac » d’un coup de feu tiré par une femme et ne tarda pas à mourir ; on lui fit de pompeuses funérailles au Père-Lachaise, et l’on faillit fusiller, près de son cercueil, un fossoyeur qui ne témoignait pas une douleur suffisamment patriotique[1].

Le 22 mai, les détenus du Dépôt entendirent une lointaine canonnade et ne tardèrent pas à apprendre

    que les accusations de M. Saisset ont d’offensant pour la mémoire de celui qui s’est conduit si vaillamment. Recevez, etc. : G. Ranvier, ex-membre du Comité de salut public. 10 mars 1872. »

  1. En disant que Dombrowski a été tué par une femme, je rapporte, sans la garantir, une version qui avait cours parmi les fédérés assistant à son enterrement. Une note publiée au mois de juin 1877 dans un journal dit que Dombrowski a été tué par Casanova, sergent à la 6e compagnie du 2e bataillon du 43e régiment de marche. Dans cette note on place la mort de Dombrowski à la date du 24 ; c’est une erreur : il est tombé le 23, à la barricade de la rue Myrrha. Enfin, M. l’amiral Saisset, qui a été activement mêlé à la négociation Veysset, dit : « Dombrowski a été tué par ceux auxquels il avait promis une portion de l’argent qu’on devait lui donner. » (Enquête parlementaire sur le 18 mars ; dépos. des témoins, p. 317.) Cette dernière version semble confirmée par un mot que l’on attribue à Dombrowski, mourant sur un lit de l’hôpital Lariboisière : « Ils m’accusent de les avoir trahis ! » Je rappellerai que la déposition du général Trochu est très sévère pour Dombrowski : « Dombrowski, lui aussi, était l’un des directeurs des affaires militaires de la Commune. Il m’avait été dénoncé dès le commencement du siège comme un agent prussien, par des rapports qui signalaient ses allées et venues entre Paris et les avant-postes de l’ennemi. Je l’avais fait arrêter, il fut relâché, » etc. etc. (Loc. cit., p. 31.)