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LA MAISON DE JUSTICE.

ité les gens de la Commune étaient atteints. Le 10 mai, Edmond Levraud, qui avait usurpé les fonctions de chef de la première division de la Préfecture de police, vint vers le soir à la Conciergerie. Accompagné d’un nombreux « état-major », il visita le cachot de Marie-Antoinette, fureta un peu partout, s’arrêta longtemps à regarder à travers les planches mal jointes d’une porte qui fermait un vieux bûcher, hocha la tête et prit une note sur son calepin.

Le lendemain on fut surpris de voir arriver deux officiers fédérés escortés d’un serrurier muni d’un mandat qui lui enjoignait d’avoir à ouvrir la porte d’un caveau désigné et d’en extraire les cercueils que le citoyen Edmond Levraud y avait aperçus la veille pendant son inspection. C’était là une bonne aubaine qui ne déplut ni aux greffiers, ni aux surveillants ; ils se groupèrent autour du serrurier et attendirent le résultat de la découverte. On crocheta la porte ; les officiers se précipitèrent dans le caveau funèbre, et, au lieu des cercueils annoncés, trouvèrent un amas de vieilles bûches jetées pêle-mêle et oubliées là par mégarde. La leçon ne profita guère et n’épargna pas à la maison de justice une perquisition encore plus extraordinaire.

Vers le 14 mai on avait installé au Palais de Justice un commissaire de police nommé Bochard, qui n’était autre qu’un apprenti peintre âgé de vingt et un ans. Il se hâta de démontrer la candeur de son âge en éventant une grosse conspiration. Son cabinet n’était séparé de la Conciergerie que par une sorte de châssis de forte toile sur laquelle on avait appliqué un papier de tenture. Dès que la nuit était venue, il entendait derrière cette fragile cloison des bruits singuliers. Il lui semblait que des gens fouissaient la terre avec précaution, qu’ils parlaient à voix basse et tout à coup s’ar-