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LA MAISON DE JUSTICE.

Tout en se fortifiant, en se confessant, en priant entre eux, ces prêtres souffraient d’être privés du service religieux et demandèrent au directeur d’autoriser 1'aumônier de la Conciergerie à célébrer pour eux les offices. Deville n’aurait peut-être pas demandé mieux que de satisfaire à leur désir, mais l’esprit d’intolérance qui animait une bonne partie des membres de la Commune y avait mis bon ordre. Le 25 mars, les directeurs de prison avaient reçu, à ce sujet, une dépêche de Raoul Rigault : Interdiction est faite au directeur de… de laisser dire, demain dimanche, la messe dans la prison. Cet ordre, expédié la veille du dimanche de la Passion[1], n’avait pas été révoqué et Deville avait dû s’y conformer ; car s’il était assez humain pour protéger ses détenus, il n’était pas assez inutilement énergique pour entrer en lutte contre le délégué à la sûreté générale. Les prêtres de Picpus furent donc privés de la consolation d’entendre la messe, et ils s’accommodaient, tant bien que mal, au séjour de la maison de justice que les employés s’étudiaient à leur rendre tolérable, lorsque le lundi soir, 18 avril, ils furent mis en voiture cellulaire et transférés à Mazas.

On aurait pu croire que Rigault, Ferré, Protot et les autres pourvoyeurs de geôle avaient momentanément oublié l’existence même de la Conciergerie, car du 13 avril au 19 mai elle ne reçut pas un seul détenu ; en revanche, elle eut à subir deux alertes dont il faut parler, car elles prouvent de quelle niaise crédul-

  1. Voici en quels termes cet ordre fut annoncé dans le Père Duchêne : « À partir d’aujourd’hui, il est interdit aux J. F. d’aumôniers, dans toutes les prisons de Paris, d’abrutir les pauvres B. de détenus par leurs sacrés oremus, et de boire des gouttes tous les dimanches matin, sous prétexte de dire la messe à des gens qui s’en f. pas mal. »