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LA MAISON DE JUSTICE.

de lui eût livré les gendarmes et fait fusilier M. Durlin et les deux surveillants Génin et Rambaud, qui, au péril de leur vie, s’étaient associés à cette bonne action. Les otages étaient sauvés ; Raoul Rigault ni son délégué ne reparurent ; le lendemain, Ferré fut trop occupé, trop berné au Dépôt pour se rendre à la maison de justice ; et puis, ils comptaient tous sur l’incendie.

Ce fut par miracle que le Dépôt échappa aux flammes, c’est par miracle que la Conciergerie y a échappé ; car elle est accotée au Palais de Justice, son grand guichet est placé sous la salle des Pas-Perdus, et elle est surmontée par la Cour de cassation qui brûlèrent. Elle fut au centre même du foyer et, non sans peine, il est vrai, fut sauvée. Pendant qu’on allumait la Préfecture de police, on versait du pétrole dans les chambres du Palais, on en badigeonnait les murs et l’on y préparait un incendie plus terrible encore que ceux de 1618 et 1776. Une équipe choisie avec discernement obéissait à un homme désigné par Ferré et qui méritait toute sa confiance.

Nous savons quel était cet homme, mais nous ignorons ce qu’il est devenu : nous croyons qu’il n’a pas été inquiété pour les faits que nous avons à raconter, et, dès lors, nous ne nous sentons pas libre de prononcer son véritable nom. Nous l’appellerons Riiat. Il avait été chef d’escadron pendant la Commune et excellait beaucoup plus aux perquisitions qu’à la bataille ; il aimait les costumes voyants, avait réquisitionné son cheval, le harnachement de celui-ci, son képi à quatre galons d’or, ses bottes molles et son caban brodé ; il portait avec ostentation un sabre mexicain qu’il avait volé chez un maréchal de France dont, disait-il dans son langage qui rappelait la chiourme, « il avait barbotté la cambrouse, » c’est-à-dire dévalisé l’apparte-