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LA MAISON DE JUSTICE.

négociation ne put aboutir, car la demande et les offres n’étaient point en proportion ; elle eut cependant pour résultat de permettre à celui qui en avait pris l’initiative de quitter Paris sans encombre après la chute de la Commune. Quant à Méphisto, il ne fut même pas inquiété.

Malgré leur solde, la Brunière de Médicis et Méphisto se trouvaient quelquefois réduits à la portion congrue. La Brunière, qui était homme de ressources, avait trouvé moyen de se procurer de quoi festoyer un peu. Sous prétexte de former des défenseurs de la patrie, il enseignait le maniement des armes à de jeunes citoyens encore trop embryonnaires pour être régulièrement incorporés ; il les réunissait dans la salle du théâtre Déjazet et leur commandait l’exercice. Après chaque séance, le capitaine instructeur faisait lui-même une collecte qu’il recevait dans son képi, pour les pauvres blessés qui manquaient de tout aux ambulances. Le produit de ces quêtes, incessamment renouvelées, ne fut jamais versé que dans son gosier. Comme les vieux singes, il avait plus d’un tour dans sa besace ; lorsque la quête en faveur des blessés ne lui paraissait pas suffisante, il n’était pas embarrassé pour gagner honnêtement quelque monnaie. Le 19 avril, il arrête à Saint-Lazare le surveillant Gelly et le conduit à Raoul Rigault. Gelly est écroué au Dépôt et, le 17, transporté à Mazas. La Brunière fait valoir cette capture ; Rigault comprend et lui donne une gratification de vingt-cinq francs ; la Bruniére trouve la somme maigrelette et se plaint ; Rigault fait appel à son patriotisme : les temps sont durs, l’argent est rare, plus tard on fera mieux. La Brunière revient à Saint-Lazare de méchante humeur, se rend au domicile de Gelly, perquisitionne avec conscience, découvre quarante-cinq francs, les met dans sa poche ; puis, signant, séance tenante, un mandat d’arrestation,