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LA MAISON DE JUSTICE.

l’Hôtel de Ville. Le fonctionnaire auquel il s’adressait crut à une plaisanterie, à « une charge d’atelier », et se mit à rire. Courbet se fâcha, et, obéissant à la mode du jour, parla de faire fusiller l’administrateur récalcitrant ; celui-ci ne fit plus aucune objection, s’éloigna sous prétexte d’aller chercher la clef réclamée et ne revint pas. Pour une bonne partie du peuple de Paris, les collecteurs, les égouts que nous avons vu faire, ne sont autre chose que des chemins mystérieux dont la tyrannie sait user aux moments opportuns. Une telle aberration s’explique : le souterrain est, si l’on peut dire, le principal personnage des romans populaires publiés par les petits journaux, et l’on cherche dans la vie réelle ce qui n’appartient qu’à de médiocres fictions.

La Brunière de Médicis et Méphisto s’étaient donc juré de mettre au jour la longue cave qui, réunissant Saint-Lazare à Argenteuil, permettait à la supérieure de faire passer des armes aux réactionnaires de Versailles. Ils avaient commencé les fouilles sous la salle de bains de la deuxième section. On avait beau piocher, la terre sonnait « sourd » et n’indiquait aucune cavité voisine. « Ces nonnes se moquent de nous ! » disait la Brunière, et on faisait appeler sœur Marie-Éléonore, qui eût volontiers ri au nez de son interlocuteur, si le costume rouge et les pistolets de Méphisto, si les jurons et les menaces de la Brunière, ne l’eussent un peu émue. La pauvre sœur affirmait que le souterrain cherché n’existait pas, que jamais elle n’en avait entendu parler, et qu’au lieu de lui demander de pareilles sornettes, on ferait bien mieux de la laisser dormir. La Brunière était entêté et n’en voulait démordre. « S’il n’y a pas de souterrain allant jusqu’à Argenteuil, vous en connaissez certainement un qui conduit à Saint-Laurent ; il faut nous en montrer l’entrée. » La discus-