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LA MAISON DE JUSTICE.

Mouton s’empressait et recevait les blessés ; des surveillantes, des filles de service improvisées infirmières, pansaient les plaies et ne se ménageaient pas. Mouton était persuadé que la Commune était à l’agonie, et autour de lui on partageait sa conviction. Deux ou trois obus, venus on ne sait d’où, écornèrent la toiture et ne firent pas trop de dégâts ; les détenues criaient de peur dans les quartiers ; les Dames-Blanches, agenouillées dans leur dortoir, priaient à haute voix. On avait des vivres : la boulangerie des prisons est à Saint-Lazare et le matin même on avait pu « cuire ».

Le lendemain, mercredi 24 mai, dans la matinée, la fusillade, qui avait été incessante, parut s’éloigner, et tout à coup une compagnie de la ligne pénétra dans la prison. Lorsque les soldats apparurent dans les préaux remplis de femmes, ce fut un cri de joie : « Voilà Versailles ! » On alla ramasser quelques blessés appartenant aux troupes régulières et on les confia au chef de l’ambulance, qui réserva pour eux ses soins les plus attentifs. Le capitaine qui commandait la compagnie dit : « Où est donc le directeur ? » Personne ne répondit, et Mouton redoubla de prévenances pour les blessés. Cet homme n’avait point été mauvais, on n’avait pas eu à souffrir de son administration ; son intempérance même l’avait rendu presque inoffensif ; nul, parmi le personnel des surveillants, ne lui souhaitait de mal et n’eût voulu le dénoncer. Le capitaine répéta sa question ; une détenue employée comme fille de service cligna de l’œil et désigna le chef de l’ambulance.

Mouton fut arrêté. Lorsqu’il comparut en cour d’assises, on lui tint compte de son caractère neutre et sans méchanceté ; il fut frappé d’une peine relativement légère, que l’initiative de la commission des grâces put encore adoucir. Pendant la durée de son